29 avril 2024
Aujourd'hui, parmi les personnes en situation de handicap, 66% sont confrontées à des difficultés pour accéder aux soins. Parce que pouvoir se soigner, c’est la base, APF France handicap et le Ministère de la Santé ont lancé l'annuaire de l'accessibilité des cabinets médicaux et paramédicaux. Un outil précieux pour favoriser l'accès aux soins de toutes et tous. Marc Vérove, Représentant régional d’APF France handicap Pays de la Loire, région pilote du projet, nous en dit plus. Qu’est-ce que l’annuaire de l’accessibilité des cabinets médicaux et paramédicaux ?
L'annuaire de santé, c’est une photographie de l’état d’accessibilité d’un lieu de soins. C'est une initiative d’APF France handicap.
Cet annuaire permet de sélectionner tel ou tel médecin suivant son handicap, ses difficultés. Que vous soyez sourd, et que le médecin connaisse la langue des signes, que vous soyez étranger et que le médecin connaisse l’anglais, que vous soyez en situation de handicap et que le médecin puisse vous consulter sur sa table... Est-ce que votre médecin est à l’étage ? Y a-t-il un ascenseur ? Toutes ces choses sont dans l’annuaire des lieux de santé.
Pourquoi avoir lancé cet annuaire de santé ?
Nous nous sommes aperçus que les personnes en situation de handicap allaient de moins en moins chez le médecin, ou ne se faisaient plus du tout soigner. L’accessibilité est, pour beaucoup, un frein à cet accès aux soins, que ce soit l’accessibilité environnementale, c’est à dire les transports, ou l’accessibilité à l’intérieur du cabinet médical. L'accès aux toilettes, à la communication, aux soins eux-mêmes. Aujourd'hui, seulement 5% des médecins sont équipés d’une table d’auscultation électrique qui permet le transfert d’une personne en fauteuil, alors que c’est 100% chez les vétérinaires. Par exemple, j’ai récemment entendu parler d’une femme enceinte, en fauteuil roulant, qui a dû faire une échographie en urgence avant son accouchement chez le vétérinaire, car le cabinet de sa gynécologue ne lui permettait pas de la faire sur place. Pareil, combien de médecins ont une balance qui permet de peser une personne de plus 120 kg ?
Partant de ce constat, il était important de répertorier les lieux de soins qui correspondent à tel type d’empêchement.
Pourquoi c’est un projet qui vous tient à cœur ?
Il ne doit pas y avoir de santé à deux vitesses. Ni en termes d’argent, ni en termes d’accès. La sécurité sociale a été faite pour ça, et c’est aussi pour cela qu’elle nous soutient.
Quel était le rôle de la région Pays de la Loire dans le développement de l’annuaire ?
Les Pays de la Loire étaient région pilote sur cet annuaire, en même temps que l’Ile-de-France. Nous avons fait les expérimentations vis-à-vis des médecins, afin de concevoir un questionnaire très simple et précis, qui permet aux professionnels de donner toutes les informations détaillées sur l’accessibilité de leur cabinet, sans avoir de connaissances techniques. Pour remplir ce formulaire, il leur faut entre 10 et 15 minutes maximum. Pour les médecins qui s’installent, ce sera une obligation.
Qu’en pensent les professionnels de santé que vous avez rencontrés ?
Quand on présente ce projet, les médecins sont enthousiastes, ils sont convaincus de l’utilité. Mais ils sont trop peu nombreux à être inscrits à ce jour. Ils ne veulent pas être seuls. Cela ne sert à rien qu’un seul médecin s’enregistre dans une ville, il faut que ce soit systématique.
Plus on aura de médecins qui participeront à cet annuaire, moins il y aura de discrimination. Et il y aura de l’accès aux soins pour tous.
On porte le projet à bras le corps et ce serait bien que les ordres des médecins, les CRSA, les ARS, les CPAM poussent aussi le projet.
Qu’est-ce que cela apporte aux professionnels de santé de s’inscrire sur l‘annuaire ?
Cet annuaire n’est pas du tout fait pour pénaliser les professionnels qui ne sont pas accessibles. C’est un projet sur le droit à la santé, qui est fait pour faciliter l’accès aux soins des personnes à besoins spécifiques.
Cela permet d’éviter une perte du temps pour le patient et le médecin, et favorise l’accès à l’information. Par exemple, ça m’est arrivé d’être envoyé par mon médecin chez un gastroentérologue, et, une fois sur place, de voir qu’il y avait trois marches pour rentrer dans le cabinet, alors que j’étais en fauteuil roulant. Je n’ai pas pu aller à mon rendez-vous médical.
Cela permet aussi une certaine prise de conscience des médecins. Grâce au questionnaire, ils peuvent se rendre compte des difficultés de certaines personnes et de ce qu’ils sont en mesure de proposer et de changer. J'ai présenté par exemple le projet à un centre de soins médicaux et de réadaptation (SMR) ; en remplissant le questionnaire, ils se sont rendu compte qu’ils avaient pensé à tous les points d’accessibilité, sauf à la langue des signes, donc ils ont formé leur personnel. En plus, il existe des aides financières pour améliorer l’accessibilité des cabinets, par exemple pour acheter une table d’auscultation électrique.
J’espère que tous les professionnels de santé prendront le temps de s’inscrire sur l’annuaire pour favoriser l’accès aux soins.